Artiste
bâtisseuse,
c'est ainsi qu'elle se donnait à connaître. De par ses origines, rien
ne la disposait à une telle carrière, si ce n'est peut-être l'exemple
d'une exigence transmis par un père, professeur d'économie politique en
faculté. Elle passe son enfance à Montpellier, puis les années de
guerre à Die, dans la maison de sa mère où sont réfugiés des juifs,
pendant que le père combat dans la Résistance. À quinze ans, elle vient
à Paris et prend ses premiers cours de danse. Trois ans plus tard, elle
décide de devenir danseuse, ce qui n'est pas sans provoquer un drame
familial. Mais la volonté est déjà une de ses premières qualités et,
tout en enchaînant une série de petits travaux alimentaires, elle suit
assidument des cours de danse contemporaine et classique. En 1954, elle
se rend à Berlin où elle reçoit l'enseignement de Mary Wigman. Puis, à
Paris, elle travaille avec Françoise et Dominique Dupuy qui lui offrent
son premier engagement. Parallèlement elle apprend le théâtre, le mime
et l'acrobatie. Elle est ensuite engagée au théâtre de l'Atelier, au
côté de Pierre Conté, occasion de découvrir et d'apprendre l'écriture
Conté. Ces rencontres successives, Pierre Conté puis Jean Dasté qui
l'emmène travailler à Saint-Étienne comme danseuse, chorégraphe et
comédienne, et le passage dans cette ville d'un groupe yougoslave de
danses traditionnelles, décideront de sa vie en élargissant son horizon
à la recherche et la chorégraphie.
En 1962,
elle est de retour à Paris. Elle danse et chorégraphie pour des centres
dramatiques. Elle participe notamment à la Biennale de Paris en 1965 où
elle conçoit le ballet Coïncidences avec
François-Bernard Mache et les frères Baschet. De 1964 à 1977, dans le
cadre du Musée des Arts et Traditions Populaires, elle collecte les
danses traditionnelles (Aubrac, Provence/Languedoc, Vendée, Haute
Bretagne, Béarn, rondeaux du Gers et des Landes) pour le C.N.R.S, sous la houlette de
Jean-Marie Guilcher. Ce travail la passionne au point qu'elle le
poursuit par le biais d'une maîtrise de l'École Pratique des Hautes
Études sur « Le système Feuillet » (1969), puis d'un
doctorat de 3e cycle en ethnologie historique
sur « Les sociétés de farandole en Provence et
Languedoc » (1973). Les danses anciennes, populaires et
savantes, sont alors méconnues voire inconnues en France, sauf
précisément de Francine Lancelot.
Aussi
entreprend-elle d'enseigner ce qui lui apparaît comme un nouveau
répertoire. Elle commence dans l'intimité d'un cours personnel, avec
quelques concerts de démonstration. Mais Léone Mail, alors inspectrice
de la danse au Ministère de la Culture, convaincue de la portée de son
travail, persuade Claude Bessy de l'inviter à l'école de l'Opéra de
Paris. Ce sera le premier facteur déclenchant un intérêt pour les
danses historiques dans la profession. Ce sera aussi l'occasion de
rencontrer Philippe Beaussant, fondateur de l'Institut de Musique et de
Danses Anciennes (IMDA),
avec qui la convergence de recherche est d'emblée évidente. Suivent de
nombreux stages, notamment pour l'IMDA,
le Centre International de Recherche Musicale et d'Animation Régionale
de Saintes, les Rencontres Internationales de Danse Contemporaine.
Depuis
1969, dix ans s'écoulent, principalement consacrés à la recherche et à
l'enseignement. Dix ans pendant lesquels Francine Lancelot ne cesse
d'empoigner son bâton de pélerin pour que vive la « Belle
Dance ». Et pendant ces mêmes années, le concept de
« baroque » connait la fortune que l'on sait, autant
dans le domaine musical que littéraire. On pourrait la croire
définitivement engloutie dans une activité de pédagogue et de
chercheuse. Mais elle reste et demeure une artiste dont la vérité
s'exprime avant tout sur un plateau. En 1979, elle fait une rencontre
déterminante, celle d'Antoine Geoffroy-Dechaume, claveciniste et
musicologue. Ensemble ils se mettent au travail. Il joue, elle danse,
et ce qu'elle lisait dans les livres prend naturellement corps. Le
rapport dynamique de la musigue à la danse, pour la première fois,
s'avère juste. L'un confirme le travail de l'autre : forte de
cette expérience, un an plus tard, à l'initiative de Philippe Beaussant
et de l'IMDA, elle s'engage
dans l'aventure folle de créer une compagnie. Ce sera Ris et
Danceries. Elle y réunit des danseurs, des chorégraphes, des
chercheurs avec qui, pendant dix ans, elle va monter des spectacles
chorégraphiques (Bal à la cour de Louis XIV - 1981-82
& 1987-88, Rameau l'enchanteur - 1983-84, Caprice
- 1986, Tempore et Mesura - 1988-89), participer à la
réalisation d'opéras (Atys de Lully - 1986/87, 1989,
1992, The Fairy Queen de Purcell - 1989), de
comédies-ballets (Le Malade imaginaire de
Charpentier - 1990), sachant tout à la fois restituer au public
d'aujourd'hui les savantes chorégraphies de Pécour, comme proposer ses
propres créations à travers un style baroque rigoureusement étudié. De
ce deuxième savoir exigeant un équilibre délicat entre le goût de
l'histoire et l'invention personnelle, Rudolph Noureev a reconnu la
qualité. Incité par Wilfride Piollet et Jean Guizerix, il l'invite à
chorégraphier à l'Opéra de Paris le solo Bach suite
(1984) ainsi que le ballet Quelques pas graves de Baptiste
(1985). Les études ne la lâchent pourtant pas. De 1981 à 1986, elle est
chargée des cours de Danse Renaissanse et de Danse Baroque dans le
cadre du cursus Danse de l'université de Paris IV (Clignancourt). Puis
en 1986, elle est nommée Maître de conférence en danse à l'université
de Nice (département Art-Communication-Langage), poste qu'elle occupera
de 1985 à 1988.
De 1991 à
1996, elle poursuit ses recherches avec différents collaborateurs pour
constituer, avec l'appui technique du Centre de Musique Baroque de
Versailles, une base de données et aboutir à la publication, chez Van
Dieren Éditeur, de « La Belle Dance, catalogue
raisonné des partitions chorégraphiques du
XVIIIe
siècle »
(voir bibliographie).
Elle est
aussi à l'origine d'enregistrements de ‘musique à danser’, utiles aux
chorégraphes, professeurs et interprètes
(voir
bibliographie).
En 1981, ce sont « Les Caractères de la Danse » avec
un ensemble instrumental dirigé par Pierre Séchet. En 1995, le coffret
« Musiques à danser à la cour et à l'opéra » est
coproduit par
Ris et Danceries et Erato.
Membre
fondateur en 2001 de l'Association pour un Centre de Recherche sur les
Arts du Spectacle aux XVIIe
et XVIIIe
siècles (ACRAS), elle
s'emploie à soutenir la recherche en danse ancienne, en particulier
auprès des autorités ministérielles.
Ces
dernières années, Francine Lancelot les a consacrées à mettre en ordre
ses archives et celles de Ris et Danceries pour les
déposer dans des institutions où elles puissent être accessibles aux
chercheurs, aux danseurs et au public :
- 4
institutions
nationales :
- 4
centres de
ressources régionaux :
Ris
et Danceries, février 2004
Reflets filmés
du travail de Francine Lancelot